Compte rendu de l'assemblée générale du 19 décembre 1953

Discours prononcé par le président, Marcel Musch, en 1953

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,,

 

Ainsi qu'il est inscrit au programme de l'Assemblée générale, je m'en voudrais ce soir de me taire. Je n'ai pas le vocabulaire fourni des orateurs professionnels et les quelques mots que je vais vous adresser, je vous les dirai simplement et sans m'étendre sur un sujet bien défini de la photographie.

 

Je voudrais faire un petit effort de mémoire et me reporter, avec vous tous, et surtout avec les anciens du Cercle, 20 ans en arrière.

 

C'était un soir de novembre 1933 - nous étions jeunes alors - nous nous étions réunis dans un café à cinq. Cinq camarades, cinq toqués de la photographie.

 

Jeunes, nous n'étions pas sans ambitions, mais nous n'étions surtout pas très riches. les uns avaient un appareil à soufflet, les autres un appareil à plaques. Le langage technique d'alors ,ous faisait employer de tels mots. Aujourd'hui, on en emploie d'autres, plus ronflants, on épate son monde, mais, en fait, le fond reste le même. Et ces cinq faisaient des portraits ou, si vous le boulez, des photos.

 

Mais, ne pouvant nous suffire à nous-mêmes, nous demandions et nous nous donnions des conseils. Pendant une heure, deux heures, on parlait photo, puis, on se quittait sans savoir quel jour on se retrouverait réunis. Et de là, nous est venue l'idée de former un cercle. Nous fondâmes donc un Cercle, et, avec l'esprit bien belge, "entre nous", nous désignâmes un Président, un secrétaire, un trésorier et deux membres. Formidable, 3 dirigeants pour 2 membres ! Vous vous rendez compte ? 

 

C'esta insi, pourtant. On créa des statuts, un règlement et une cotisation, comme on fait dans tous les Cercles qui se respectent. le Cercle "Entre-Nous" était né. Il fallait le faire vivre quelque temps. peut-être durerait-il quelques années ? On verra cela plus tard.

 

Aujourd'hui, je peux vous le dire, il dura 20 ans et il durera encore au moins aussi longtemps.

 

Qu'avons-nous fait dans le Cercle ? Nous avons travaillé, nous nous sommes tenus au coude à coude, ne voulant rien nous cacher. Celui qui en savait plus le disait aux autres, et ceux-ci mettaient de suite ce conseil à profit.

 

Nous voulions arriver à notre but : que le Cercle "Entre-Nous" vive et soit connu du public. On fit des photos, des dizaines de photos, des centaines même, des petites, des grandes. On se les montrait, on se critiquait, on se jugeait mutuellement toujours en vrais camarades.

 

Nous nous sentions devenus forts et notre audace augmentait. Si nous osions laisser voir une photo à un étranger, celui-ci y trouvait de la ressemblance, de la vie ou du sentiment dans notre belle image. Et nous avons voulu exposer. Cela a réussi. Nos espérances étaient dépassées. Nous avions connu un succès peut-être modeste, mais certain. Nous pouvions continuer notre méthode. Elle était bonne.

 

Nous n'avons cessé de progresser. Nous sommes allées en nationale, puis en internationale, et nous eûmes la joie de voir nos noms dans les catalogues. On commençait à nous connaître, nous remportions des prix, même en devançant les amateurs des clubs plus anciens que le nôtre.

 

Et, aujourd'hui, voilà que notre Cercle,qui débuta à cinq,se compose de 15 ou 16 membres.

 

Il y a eu des abandons, il y a eu des morts. Mais ce que je sais, c'est que si ce soir, nous ne restons que deux membres fondateurs, il y a des jeunes pour nous suivre, pour continuer notre exemple, pour préserver dans ce beau passe-temps, ce délassement si sain, si beau et qui ouvre l'esprit par la recherche des beautés de la nature qui, à chaque moment du jour, retiennent nos yeux et qui est la photographie.

 

Je sais que, maintenant, les loisirs sont plus nombreux et que la jeunesse est vite blasée d'un délassement où il faut produire un effort.

 

La société l'a compris : nous voyons de nos jours nos jeunes gens s'amuser, mais s'amuser avec des jeux que l'on a inventé pour eux, pour leur éviter le moindre effort de leur intelligence, de leur cerveau. On vous impose un travail de x heures par jour, un repos de x temps et un loisir d'autant de minutes. Tout est rationalisé, compté, divisé.

 

Il y a un compteur du temps, surtout et même sur l'amusement. Et ces amusements, on vous les donne dans des locaux enfermés, remplis de monde aux multiples senteurs. On abrutit la jeunesse.

 

Voilà comment je vois l'amusement de nos jours. C'est triste. Oui, très triste, car tout est dirigé, même notre temps de délassement.

 

malgré cela, je me réjouis, car, parmi tus ces jeunes, vous autres, les membres du Cercle "Entre-Nous, vous ne voulez pas vous laisser mécaniser. En vous inscrivat, vous aviez un idéal : voir le beau, l'interpréter et le faire connaître à d'autres.

 

Cet idéal, c'était le nôtre il y a 20 ans. Faites comme nous, conservez-le. Tant qu'il sera possible, nous vous aiderons de nos conseils. Nous vous accompagnerons dans vos promenades de chasse à l'image. Nous essayerons de vous ouvrir les yeux et nous n'aurons de repos que lorsque nous pourrons dire : " Les jeunes sont partis, ils sont plus forts que nous ! "

 

Comme vous l'avez entendu tout à l'heure, notre secrétaire vous a fait part d'un concours pour l'an prochain, les débuatnts comme les avertis. Mon souhait le plus grand est qu'un jeune élément remporte la palme et que votre Président n'ait plus rien à vous apprendre sinon d'apprendre lui-même.

 

Mais, je m'en voudrais de terminer aussi brièvement. Il me reste un devoir à accomplir. Il y a quelques semaines, vous tous, dans un complet accord, m'avez fait comprendre que je vieillissais, et même vite, que j'avais 20 ans de plus qu'en 1933. La réunion toute amicale ou malheureusement j'aurais voulu voir tous les membres réunis, avait pour but de m'offrir, je ne dirais pas un petit cadeau, mais un splendide cadeau.

 

Je ne pourrais pas trouver de mots assez explicites pour vous dire ce que j'ai ressenti dans cette belle attention.

 

Permettez-moi encore ce soir de vous dire à tous un grand merci, un merci du plus profond du coeur. Je joins ma famille à ces remerciements, car cette oeuvre s'art splendide a pris la plus belle place dans mon foyer et chaque jour, nous nous disons que le Cercle "Entre-Nous" est un vrai Cercle de camarades, de camarades sincères et, je dirai plus, un Cercle de vrais amis.

 

Je lève maintenant mon verre à la santé de tous les membres et de leur famille, à la prospérité du Cercle, à ses succès futurs et je vous dis à tous : " Bon appétit ! "

 

Marcel Musch, 1953